"Le mot de la fin (ou du début ?)", par Cécile Gachet (*)

Publié le par Cécile Gachet

26 mai 2013, dernière journée de Théâtre en Mai :si l'atmosphère effervescente de cette vingt-quatrième édition du festival restera sans doute profondément ancrée dans l'esprit de chacun, ce sera dès demain, pour le public comme pour les équipes, un retour au calme, à la quiétude – relative – de la « saison ». Alors, il faudra faire le tri, penser qu'il y a eu, une fois, une vingt-troisième édition de Théâtre en Mai, et qu'il y aura, dans pas si longtemps, une vingt-cinquième. Comprendre que ce que nous avons vu n'est qu'une étape, dans notre vie de comète, du mouvement exponentiel qu'est l'art, et dont, je l'espère, l'ampleur tendra au fil du temps vers plus l'infini...

C'est dans cette optique relativiste et évolutive que j'aimerais inscrire l'entretien qui suit. En interrogeant Benoît Lambert, directeur du Théâtre Dijon Bourgogne, qui a d'ailleurs lui-même fait ses armes sur les planches de Théâtre en Mai, j'escomptais, me semble-t-il, une sorte de bilan du festival. L'ai-je finalement obtenu ? Oui. Non. Plus ou moins... Certes, ce que vous lisez n'est en fin de compte pas l'examen diaporamétique   (1) au complet du festival. Mais est-ce si regrettable ? Car, comme l'a fait si justement remarquer Benoît Lambert lui-même, il est trop tôt pour tirer un trait définitif sur le festival – que ce soit pour le souligner ou le raturer. Soit. Après, on pourrait tout de même tenter d'esquisser quelque chose, comme le contour d'une solution. On pourrait, on peut, et c'est même un peu ce qu'on fait ici... Reste que l'« on » ne peut pas trancher. Le mot de la fin revient à chacun d’entre vous, et uniquement à vous. Alors revenez un instant sur tout ce que vous avez vu, entendu, découvert en ces quelques jours de festival, et dites-moi ce que vous pensez de ce pari fou, lancé au premier janvier de cette année par un certain directeur de Centre dramatique national, de « montrer que le théâtre, cet art ancien, parfois intimidant, parfois moqué, est bien un art d’aujourd’hui ».

 

Lors de la présentation publique de cette édition de Théâtre en Mai, vous avez insisté sur la grande liberté du temps festivalier, que ce soit pour les équipes ou pour le public. Vous déclarez avoir privilégié dans votre programmation des spectacles originaux, créés par des artistes qui ont leur mot à dire, et encouragez le public à se laisser surprendre. Rétrospectivement, êtes-vous satisfait de la manière dont les deux parties ont joué le jeu ?

Benoît Lambert : J'ai été agréablement surpris par les réactions positives des équipes comme des spectateurs. En effet, si ces derniers ont très bien accueilli le travail des plus jeunes compagnies –que nous tenons spécialement à mettre en valeur lors du festival –, ces artistes ont su de leur côté tirer le meilleur profit des possibilités qui leur étaient offertes. Accueillant une quinzaine de compagnies sur moins de deux semaines, Théâtre en Mai est une réelle plaque tournante, qui permet aux équipes d'échanger leurs expériences respectives et de tisser des liens forts. Cette édition a aussi vu éclore le concept de parrainage, par le biais duquel les jeunes artistes ont pu échanger de manière privilégiée avec Matthias Langhoff, metteur en scène chevronné et parrain de cette édition.

 

Vous exprimez votre enthousiasme pour l'accueil qu'ont réservé les spectateurs aux jeunes compagnies. Mais paradoxalement, les spectacles Œdipe tyran et la Cène solennelle de Don Juan, mis en scène par Matthias Langhoff et interprétés le premier par la troupe du Théâtre de Saratov, et le second par la troupe de Théâtre hongrois de Cluj, ont dû essuyer un apparent désintérêt du public...

B. L. : Il est vrai que ce paradoxe constitue, dans une certaine mesure, le revers de la médaille : bien-sûr, le fait qu'un metteur en scène chevronné ne remplisse pas les salles nous force à nous poser quelques questions. Cependant, il faut savoir relativiser. Matthias Langhoff est comme un repère dans l'art de la mise en scène : même si ses spectacles ne remplissent pas les salles à Dijon, nous nous devons de continuer à mettre en valeur ses œuvres fascinantes pour les quelques spectateurs qui viendront les voir, non par élitisme, mais parce que c'est aussi le rôle d'un CDN de faire découvrir ce type de théâtre « symphonique », rarement représenté sur les scènes de province.

 

En conclusion, quelle évolution espérez-vous pour le festival Théâtre en Mai dans les années à venir, et, à plus court terme, comment envisagez-vous la saison prochaine en regard de cette édition du festival ?

B. L. : Les éditions à venir de Théâtre en Mai verront sans doute leur programmation se « radicaliser », dans le sens où je tiens, par le biais du festival, à donner leur chance aux jeunes compagnies. Toutefois, un tel changement devra s'opérer progressivement, d'une manière prudente et réfléchie, toujours pour servir la qualité mais sans pour autant perdre la variété des spectacles proposés, qui forme un point fort du festival. Quant à la saison, elle doit tendre à dialoguer de mieux en mieux avec le festival, tous deux étant des touts très différents mais complémentaires. Ainsi, si le festival est un temps de liberté et d'essais pour les programmateurs comme pour le public, il ne pourrait exister sans la saison, qui permet un retour au calme des équipes comme des spectateurs les plus assidus. Et bien que la bienveillance et la convivialité de Théâtre en Mai aient un certain charme, le temps festivalier doit rester suffisamment court pour être apprécié à sa juste valeur…

 

Propos recueillis le 26 mai 2013, à Dijon, par Cécile Gachet (élève en 1ère S), participante au projet Lycéens Reporters.

 

 

(1) L'examen diaporamétique est une méthode dialectique, particulièrement utilisée par Aristote, qui sert à montrer la vraisemblance d'une opinion communément admise (ou ενδόξα, dans le lexique aristotélicien). Cette dernière est tout d'abord discutée jusqu'à l'obtention d'une thèse, qui équivaut en fait, après un développement logique, à l'antithèse opposée. Ce paradoxe, que l’on appelle en l’occurrence une aporie (du grec ancien άπορία : difficulté de passer, embarras), est finalement résolu par un élargissement de la perspective, qui revient le plus souvent à repréciser la définition dont on était parti. Cette méthode est assez proche du plus célèbre « thèse-antithèse-synthèse ».

 

(*) : Quel rapport entre ce Golb sur "le théâtre et ses alentours" et une interview menée par Cécile Gachet, vous dites-vous (peut-être) ? Et bien le rapport est lié à l'histoire de ce lieu, auparavant attaché au Théâtre Dijon Bourgogne. Et si le Golb s'est depuis émancipé, pas de raisons pour autant de ne pas valoriser et faire circuler la parole de certains précédents contributeurs de cet espace. En l'occurrence Cécile Gachet, participante en 2013 aux Lycéens reporters, projet porté par le TDB durant son festival, Théâtre en Mai.

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