Carnet de Gnon #3 (+4)

Publié le par petitcâstle

Le jour 3 c'était déjà avant-avant-avant-avant-hier (wow). Oui, je sais, je prends du retard, mais on se laisse vite déborder par le théâtre, le festival, ses excès, et soi-même. Enfin, donc, avant-avant-avant-avant-hier, suis allée voir deux créations. Où ça ? Ben, dans le In. Encore ? Ben, oui. En effet, j'y suis, en plein dedans. Dans ce fameux travers qui m'a toujours profondément agacé chez les autres, à savoir n'aller que dans le In sans tenter le Off (même pas la Manufacture, Présence Pasteur, les Hivernales ou la Caserne des pompiers, pour ne citer que ces lieux du Off ultra-identifiés). Mais comme chacun a des excuses – du manque de temps, à l'absence de repères, au dédain voire à la méconnaissance –, j'ai les miennes. Très peu de temps + un débat, organisé par l'éminent syndicat de la critique.


Bref. La première des deux découvertes était Germinal, projet d'Antoine Defoort et d'Halory Goerger. Véritable petite sensation de cette mi-temps de festival – étonnant toujours comme à Avignon les succès se répandent comme une traînée de poudre –, Germinal réunit sur le plateau quatre interprètes : Arnaud Boulogne, Ondine Cloez, Antoine Defoort et Halory Goerger. Partant d'un plateau nu, tous quatre se livrent à une série d'expérimentations : ils inventent progressivement leur langage, des moyens de communication, font des listes, les classent, organisent progressivement le petit monde qu'ils construisent, appellent une hotline, et analysent pour finir le chemin parcouru avant de clôturer leur spectacle. Résumé comme ça, Germinal peut sembler un peu abstrait. Dans les faits, c'est plutôt bien fichu. Partant volontairement de rien – enfin presque, puisque au commencement chez eux il y a la technique, quatre tables de mixage très rudimentaires – les quatre acolytes élaborent un monde qui s'auto-génère, avec tout l'absurde que cela suppose. Avec finesse, intelligence, juste ce qu'il faut d'impertinence, cette affaire rondement menée construit son théâtre, au croisement de la philosophie, des théories de la communication et du dérisoire. Il y a une vraie liberté, une inventivité, une façon de jouer ici avec le théâtre et le fait que l'équipe provienne en partie des arts plastiques n'y est pas pour rien. Pour autant, il est étonnant d'y retrouver des traits marquants, choix tous propres à des équipes de cette génération de jeunes trentenaires – tel L'IRMAR, Institut de recherches ne menant à rien : non-jeu (aucune incarnation, volonté assumée de ne pas interpréter, façon de tourner le dos au public), personnages s'interpellant par leur vrai prénom, absence de costumes, absence de textes et souhait de partir d'éléments extrêmement prosaïques et banals. Un refus du théâtre ou, plutôt, un souci de ne pas nécessairement en passer par les usages habituels du théâtre pour construire une forme. Une prise du plateau par son revers assez ingénieuse, qui comporte cependant ses limites. Ainsi Germinal peut très rapidement lasser, sembler un peu attendu – aussi intelligente soit son écriture – et surtout tourner à vide. Car en générant son propre contenu, la proposition s'avère aussi régulièrement manquer de consistance et ne demeurer qu'un exercice de style, très bien fait, mais aussi bien léger (voire creux).

 

Golb4.jpg

 

Dernier spectacle du Festival (me concernant) : Reise durch die Nacht (Voyage à travers la nuit). Conçu d'après le texte de l'autrice et poétesse autrichienne contemporaine Friederike Mayröcker, Reise durch die Nachtest la dernière création de Katie Mitchell, metteuse en scène britannique. Dans ce « voyage », le parcours est pluriel : au trajet en train de nuit effectué par un couple se rendant en Allemagne, se surajoutent celui dans la mémoire de la femme et dans ses souvenirs d'enfance, ainsi que celui du couple et de ses relations distendues. Pour raconter cela, Katie Mitchell a recours à force de moyens techniques et c'est le cinéma et la vidéo que la metteuse en scène convoque sur scène. Tandis que des wagons de train dans lesquels évoluent les comédiens occupent le plateau, un grand écran surplombe ce dernier. Plus que les interprètes en chair et en os, ce sont les techniciens, les caméras, les déplacements rapides des personnages et leur changement de costumes d'une scène à l'autre, les modifications dans les décors qu'on observe, l'écran remplissant, lui, l'office de nous raconter par le menu et au plus près le déroulé de l'action. À vrai dire cette contamination du théâtre par le cinéma ou, du moins, par ses procédés, est de prime abord fascinante. Voir ici ce qui n'est pas visible ou ce qui ne devrait pas l'être se révèle séduisant. Mais passé cet intérêt initial, Reise durch die Nacht s'épuise rapidement : histoire mélodramatique sans aucune consistance, jeu extrêmement appuyé des comédiens – certainement lié au dispositif – et sans subtilité, élaborations d'images très clichés (plutôt dignes de mauvais téléfilms que de films d'auteurs), l'ensemble s'étire alors dans des longueurs sans réels intérêts. Avec sa débauche de procédés techniques ne servant en rien la narration mais s'essayant à leur propre dépassement, le spectacle n'offre, finalement, qu'une jolie coquille vide, même inapte à susciter les émotions qu'elle revendique.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
he bien une amie ne m'ayant pas dit le plus grand bien de Rausch, ai pris peur et ai finalement troqué ma place contre "Au-delà"... (dont je risque de parler dans un prochain carnet de<br /> gnon-1...)<br /> bisette itou !
Répondre
D
Et qu'avez vous pensé de Rausch ?<br /> Une lectrice qui vous fait une bisette
Répondre